Un Vouvrillon à la tête de l’INAO
A 60 ans, Philippe Brisebarre est arrivé au summum de sa carrière de professionnel engagé. Le viticulteur tourangeau préside désormais l’Institut National des Appellations d’Origine. Détails des objectifs qu’il s’est fixé.
La première implication pour la défense de la profession de Philippe Brisebarre remonte aux débuts des années 80. Le vigneron sur la commune de Vernou-sur-Brenne luttait à l’époque contre la traversée de son appellation par la LGV* Tours-Bordeaux. « On a limité les dégâts en obtenant la création d’un tunnel », se souvient-il. En 1989, alors âgé de 28 ans, il devient président de l’appellation Vouvray. Puis il enchaîne les responsabilités au sein de la FAV** ou encore à la chambre d’agriculture. « En tant que responsable d’une appellation viticole, on est amené à siéger dans beaucoup de structures qui gravitent autour du vin », résume le vigneron.
C’est par ce biais qu’il intègre le comité régional de l’INAO en 1992. Cinq ans plus tard, c’est à l’échelle nationale qu’il accèdera, où il siègera durant vingt-quatre ans. « Dans les débuts, j’étais un petit jeune, j’écoutais. Puis avec l’âge et l’expérience, on apprend à parler, à s’exprimer. Maintenant, j’apprends à me taire », s’amuse le viticulteur. Le 30 avril dernier, Julien Denormandie, alors ministre de l’Agriculture, le nomme président du conseil permanent de l’INAO. Cet institut national, créé en 1935 pour reconnaître et défendre à l’époque les AOC viticoles, chapeaute aujourd’hui l’ensemble des signes de qualité recensés en France. On y retrouve les AOC viticoles mais aussi les laitières ou encore les différentes IGP (volaille par exemple.) Le bio et le Label rouge sont également représentés par l’organisme public. « Chaque signe de qualité, que ce soit une AOC, une IGP ou que sais-je, relève inévitablement d’un cahier des charges, précise Philippe Brisebarre. L’un de nos devoirs, c’est de veiller à la contrôlabilité de ces derniers. »
UN MANDAT BIEN REMPLI
Pour ce mandat qui lui a été confié pendant 5 ans, le viticulteur vouvrillon regorge de projets. Sur l’aspect communication tout d’abord : « Nous devons dans un premier temps démontrer à l’Etat que l’ensemble de nos signes de qualité est créateur de valeur sur notre territoire national. C’est une création de richesse extraordinaire », avant de poursuivre : « Nous devons également expliquer ce que l’on fait, aux producteurs certes, mais également aux consommateurs. Tous deux doivent savoir quelles sont nos missions qui sont ô combien nombreuses, mais trop souvent méconnues. »
Il souhaite également recréer du lien entre l’INAO et les ODG*** locaux, ces groupes de femmes et d’hommes qui rédigent les cahiers des charges. Il aspire à ce « qu’une majeure partie des 250 salariés de la structure nationale se déplace sur le terrain, se rende aux assemblées générales des appellations locales. Je souhaite démontrer aux ODG que l’INAO est à leurs côtés, que ce n’est pas une grande administration pleine d’inertie. » Se consacrer aux problématiques environnementales est également une priorité pour le nouveau président. « Nous subissons aujourd’hui les effets du changement climatique de plein fouet. Nous devons trouver des solutions pour que les produits fabriqués sous signes de qualité participent à la préservation de notre environnement.
Ce sont des questions que nous devons abordées, tout comme la notion de bien-être animal, qui elle aussi, doit être intégrée dans nos cahiers des charges. Les signes de qualité sont les premiers regardés par le consommateur. Nous devons être exemplaires. » L’innovation est également au cœur du projet du président fraîchement élu. « Par définition, dès que l’on a rédigé un écrit avec des règles précises de production, nous sommes des conservateurs. Mais nous ne sommes pas pour autant des "gardiens de musée", nous avons l’obligation de faire vivre ces produits fabriqués sous signes de qualité », martèle-t-il. Il reste conscient que les aspirations de la population évoluent. « Les attentes sociétales mais aussi gustatives des consommateurs ne sont plus les mêmes aujourd’hui qu’il y a quinze ans. Nous devons prendre toutes ces évolutions en considération. »
UN RÔLE DÉCISIF ET DE CONTRÔLE
Philippe Brisebarre reconnait que cet organisme public aux 24 millions d’euros de budget annuel dispose d’un pouvoir de décision conséquent : « Nous avons le pouvoir de créer du droit ! Nous rédigeons et contrôlons l’application de règles (les cahiers des charges) que seuls nous, producteurs, avons formulées. Jamais nous ne demandons l’avis du gouvernement. C’est une chance inouïe qu’il nous faut conserver. » Enfin, sur le plan personnel, Philippe Brisebarre se réjouit du retour sur l’exploitation familiale de ses deux enfants dans les mois qui viennent. « Cela va me permettre de me consacrer pleinement à mon mandat national, d’autant que je vais abandonner également d’autres responsabilités plus locales pour dégager du temps. » Puis il conclut en souriant : « Je ne dis pas que je vais parvenir à réaliser tous ces objectifs, mais je mets tout en œuvre pour y parvenir ! »
* LGV : Ligne à Grande Vitesse
** FAV : Fédération des Associations Viticoles
*** ODG : Organisme de Défense et de Gestion