Biodiversité
Les cépages rares remis en lumière
Des petits trésors enfouis dans les limbes de l’histoire viticole ressortent de l’ombre à la faveur d’une mission régionale. Une première dégustation publique vient d’avoir lieu à Amboise.
Le gouget, le gascon, ça vous parle ? Non ? Et le genouillet, l’orbois, non plus ? Peut-être en avez-vous bu sans le savoir. Car ces cépages « rares » (1) du Val de Loire sont souvent assemblés faute de notoriété et de reconnaissance dans les décrets d’appellation. D’autres tout aussi confidentiels en surface dans la région se sont fait un nom comme le romorantin, cépage unique de l’appellation cour-cheverny et le pineau d’aunis, cépage identitaire de la vallée du Loir. Le meslier-st-françois porte en lui, outre des qualités organoleptiques certaines, un atout maître, le mot « saint ». En matière de marketing viticole, ce n’est pas le nom de Dieu mais pas loin…
En ces temps où la biodiversité tend à succéder à l’uniformité clonale et aux grands profils aromatiques mondialisés, ces cépages « oubliés » remontent sur scène. Grâce à des financements régionaux, l’Union des ressources génétiques du Centre Val de Loire basée au pôle BioDom de la Châtre (36) s’emploie à les identifier et à les recenser. Mais les vins qui en sont issus sont-ils bons ? Au goût du jour ? Les participants à une séance de dégustation co-organisée par le Vinopôle d’Amboise et l’URGC en ont eu une petite idée le 20 avril dernier. Car après tout, si les générations précédentes les ont délaissés, il y avait probablement quelques raisons : leur inadaptation au contexte pédo-climatique (tardifs), leur sensibilité aux maladies (botrytis), une conduite difficile et parfois une mauvaise réputation induisant une faible demande. Mais quelles que soient ces raisons, il importe pour l’URGC de les sauvegarder et de les valoriser. « Chaque cépage possède des caractéristiques génétiques qui lui sont propres. Cette diversité est une richesse pour l’avenir. Le vignoble régional va devoir s’adapter aux modifications climatiques et sanitaires, adopter des techniques culturales nouvelles et correspondre à de nouvelles attentes des consommateurs ». Cavistes, journalistes et consommateurs avertis sont friands de nouveautés surtout quand elles sentent bon le terroir oublié. Fié gris (non classé comme rare), meslier st françois ont récemment bénéficié d’articles élogieux. Cette action de préservation est initiée par le laboratoire alimentation de l’Université de Tours : nom de code improbable : VIntass (2).
Le genouillet de l’Indre rare et Cher
Entre tous, l’histoire du genouillet vaut son pesant de grappes de raisin. Seuls trois pieds de ce berrichon de souche ont été retrouvés à Issoudun et sauvés in extremis. Confiés durant 8 ans à l’Inra de Montpellier, le genouillet a vu croître sa population au fil des ans de 10 pieds à 300 avant d’atterrir chez un pépiniériste. Exclu de la liste des cépages autorisés en France par l’ampélographe Pierre Gallet en 1953, le Genouillet vient de retrouver ses lettres de noblesse. Une renaissance sous le signe de la rudesse climatique ; la première récolte issue d’une parcelle d’un hectare replantée à Quincy a gelé l’an dernier. Des quelques flacons survivants, les dégustateurs avertis ont décrit une robe cerise noire soutenue, un nez de fruits rouges et exotiques, des notes de tabac et de cuir et en finale, un bel équilibre de saveurs, des tanins discrets voisins du gamay. « Un vin lisse pouvant manquer de longueur mais qui, par son caractère tardif pourrait se révéler être un bon cheval à la faveur du réchauffement climatique ». Des vignerons présents à Amboise lors de la dégustation ont regretté la manque d’ouverture des textes réglementaires IGP qui ont souvent fermé la porte aux cépages régionaux survivant dans le vignoble où ils sont saupoudrés comme autant de petits grains de poivre aptes à relever l’avenir.
(1) : moins de 400 ha plantés
(2) : Vineyards’s Intangible Assets