MODELER LE PAYSAGE ET RESTAURER L’HABITAT DE LA FAUNE SAUVAGE
Céréalier à Saint-Laurent-en-Gâtines, Jean-Michel Bodin est le lauréat du concours régional d’agroforesterie 2022. Retour sur sa démarche globale.

Jean-Michel Bodin, céréalier à Saint-Laurent-en-Gâtines, a reçu le premier prix de la catégorie « implantation » au concours régional d’agroforesterie, organisé notamment par Biodiv’en Loire. Le lauréat, anciennement à la tête des Etablissements Bodin et de Vitinégoce notamment, exploite 110 hectares de terres et 50 hectares de bois. Chasseur dans l’âme, il a eu à cœur de recréer des habitats pour la faune sauvage, sur ses parcelles. « Tout est parti en 2010 de la fédération des chasseurs, qui fournissait plans et plastiques pour implanter des haies », raconte Jean-Michel Bodin. Une haie de 1,5 kilomètre a ainsi été plantée. En pratique, les débuts n’ont pas été simples. « Les mulots venaient chercher la chaleur sous le plastique noir censé étouffer les mauvaises herbes, et les sangliers venaient chasser les mulots, déchirant le plastique ! », se souvient-il. Quand il a implanté une seconde haie de 1,5 kilomètre deux ans après, il a ainsi fait le choix d’utiliser un plastique dégradable, qui n’a pas posé de problème. « J’en avais marre de voir une grande pièce de terres vide, battue par les vents, explique-t-il quand on lui demande pourquoi avoir planté des haies. Et il faut bien qu’il y ait des abris pour la petite faune sauvage : perdrix, faisans… S’il n’y a aucun habitat, si leur cadre de vie disparaît, ils disparaissent aussi. » Ses haies comprennent dix-sept essences forestières locales, choisies par la fédération des chasseurs : pruniers mirabelle, cytises, noisetiers, ronces, pommiers sauvages, cotonéasters, chênes, charmes…
UNE HAIE AU MILIEU DE LA PARCELLE
Une haie longe un chemin, une autre coupe en deux une pièce de 27 ha et d’autres suivent les limites de propriété avec les voisins. « Mes collègues m’ont pris pour un fou quand j’ai coupé la parcelle en deux ! Concernant les haies en limite des propriétés voisines, il s’agissait d’en remettre là où elles avaient été arrachées il y a longtemps », précise l’agriculteur. L’une des haies borde l’étang que Jean-Michel Bodin a créé à peu près au même moment. « Le but était de pouvoir y prendre de l’eau pour irriguer, et d’agrémenter le cadre de vie, le paysage », explique-t-il. L’étang a vu le jour au bout de cinq ans de démarches, dans le cadre de la défense des forêts contre l’incendie (DFCI). En bordure de ses haies, Jean-Michel Bodin a laissé 3 m de bande enherbée, car « pour la faune sauvage, comme les perdrix, une haie c’est bien mais il faut aussi qu’il y ait des surfaces en herbe à côté, où elle aime à rester, estime-t-il. En plus, la haie peut être laissée plus libre, on n’est pas obligé de la tailler au ras du champ et on ne l’abîme pas en passant les machines trop près. » Les haies sont broyées seulement sur les côtés, à l’aide d’un broyeur d’accotement. Mais une taille par le haut va devenir nécessaire.
UN TEST D’AGROFORESTERIE DANS LES CULTURES
Le céréalier a par ailleurs planté des bandes d’arbres adaptés au climat, dans une de ses parcelles cultivées. « Les arbres sont placés tous les 19,5 m, car je travaille en 18 m de largeur et j’ai laissé au pied des arbres 3 m de bande enherbée. C’est un test, je vais voir ce que ça donne », complète-t-il. Les chevreuils ne manquent pas, en tout cas, de venir chahuter les jeunes plants. Il a également bordé la route menant à son habitation d’un alignement d’arbres, histoire d’apporter de l’ombre et de casser les grands espaces. Sur l’exploitation çà et là, on trouve des cèdres, peupliers, bouleaux, érables sycomores, tulipiers de Hollande… Les arbres qui ne prennent pas sont remplacés. Jeunes, ils ont été protégés pour éviter la dent des chevreuils, et arrosés au besoin. « Il vaut mieux planter petit. Lorsque l’arbre est déjà âgé, le changement d’environnement quand on le replante est trop stressant pour lui », considère l’ancien négociant. Près de son habitation, il avait également installé une jachère fleurie sur 12 m. Mais les années passant, les adventices l’ont envahie. Elle a donc été supprimée, mais l’exploitant s’est promis d’en ressemer une, pour le côté esthétique et pour favoriser les insectes. A son échelle, au fi l du temps, Jean-Michel Bodin a modifié le paysage de ce petit coin de Gâtine, et contribue à abriter la biodiversité locale.