Aller au contenu principal

Réserves de substitution : tensions et incompréhensions montent d’un cran

  Les 29 et 30 octobre, le regroupement redouté à Sainte-Soline s’est déroulé avec de nombreux heurts entre opposants aux réserves et forces de l’ordre. La situation épuise les agriculteurs locaux, qui placent leurs espoirs dans le projet. 

Les opposants ont forcé l’entrée sur le chantier, entrainant de nombreux heurts avec les forces de l’ordre.
© Crédit photo : Préfecture Deux-Sèvres

Alors que les opposants au projet des réserves de substitution se préparaient pour un nouveau weekend de manifestation, en pleine période des semis d’automne, la FNSEA 79 avait appelé les agriculteurs à rester calmes face à l’opposition, leur enjoignant « de ne pas céder à la pression ». La Coop de l’eau, par la voix de Thierry Boudaud, a tenu le même discours : « Nous sommes des gens responsables, même si nous sommes inquiets des risques qu’un tel rassemblement fait peser sur nos outils de travail (…) Nous avons toujours prôné le respect du droit, dans un esprit d’ouverture et de dialogue. Nous maintenons cette ligne de conduite car nous sommes pour l’obéissance civile ».  C’est au contraire la désobéissance civile qu’ont revendiqué les militants, rassemblés cette fois-ci autour du site de Sainte-Soline, où les travaux d’une retenue de 630 000 m3 d’eau ont déjà commencé. À l’appel de 150 associations et collectifs (Bassines Non Merci, Soulèvements de la Terre, la Confédération Paysanne, la CGT, ATTAC, SUD Solidaires...), plusieurs milliers de personnes (4 000 selon les autorités, 7 000 selon les organisateurs) se sont réunies, malgré l’arrêté préfectoral en vigueur, interdisant les déplacements et manifestations dans ce périmètre. Lorsque les militants ont cherché à pénétrer sur le chantier, le rassemblement a viré à l’affrontement avec les 1 500 gendarmes mobilisés pour les en empêcher. 61 gendarmes ont été blessés, dont 22 sérieusement (chiffres du ministère de l’Intérieur). Un gendarme a été évacué et pris en charge au centre hospitalier. Du côté des opposants, le collectif « Bassines non merci » rapporte une cinquantaine de blessés. 

UNE CANALISATION SECTIONNÉE

Comme en mars sur le site de la première manifestation, à Épannes, une nouvelle dégradation a eu lieu. Des militants cagoulés ont sectionné à la meuleuse une canalisation destinée à alimenter la future réserve d’eau. La Fnsea et les JA 79 condamnent la participation de a Confédération paysanne dans cette action : « Vous venez en direct détruire l’outil de travail d’agriculteurs en polyculture élevage. C’est une honte ! »  Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, interrogé par BFMTV, a condamné les agressions et les dégradations en parlant « d’apologie de la violence ». « Ils ont détruit un bien qui est légalement installé, dans quelle démocratie vit-on ? Honte à ceux qui saccagent le travail et les outils de travail des agriculteurs. Sous la cagoule de l’anonymat et sous le prétexte du militantisme ». « Merci aux agriculteurs qui, malgré la colère, restent dignes et aux forces de l’ordre qui, une fois encore, protègent », a-t-il indiqué sur son compte Twitter. De son côté, Gérald Darmanin a affirmé sa « volonté qu’aucune ZAD ne s’installe dans les Deux-Sèvres comme ailleurs en France ». Les manifestants ont progressivement quitté les lieux entre le 1er et le 2 novembre. Plus de 1 000 gendarmes étaient restés sur place.

« ON VIT DANS LA PEUR »

Ce week-end a été une source de stress importante pour Nicolas Berland, un agriculteur devant être raccordé à la réserve, et sa famille : « Nous sommes restés à la maison les deux jours. Les enfants s’inquiètent, ils me demandent “ Papa, qu’est-ce que tu as fait ? ” On vit dans la peur, la peur de se réveiller le matin et voir nos bâtiments, notre outil de production, voire notre maison, dégradés ». Lui, comme Emmanuel Pin, éleveur de blondes d’Aquitaine à Vançais, attendent ce projet depuis près de douze ans. « La réserve n’est pas la solution ultime, mais c’est un compromis intéressant entre la préservation de l’eau et celle de la production alimentaire, production alimentaire qui ne soucie pas tout le monde apparemment », pointe l’éleveur qui irrigue 15 hectares sur 160 hectares de SAU, par forage, pour la production de luzerne et maïs ensilage. Situé à 4 kilomètres de la réserve, Emmanuel estime que la réserve sécurisera aussi les agriculteurs qui n’y seront pas raccordés : « Ils en bénéficieront par ricochet. Mon voisin, par exemple, arrose du maïs fourrage qu’il vend à d’autres éleveurs du département. Seize réserves à terme, c’est multiplier par d’autant le nombre d’agriculteurs sécurisés ». Pour l’heure, il attend que les évènements soient passés pour semer dans ses parcelles autour de Sainte-Soline.  

RÉTABLIR DES FAITS 

Depuis deux semaines, les réserves sont le principal sujet de conversation. « J’essaye d’expliquer le plus possible à mon entourage, mes voisins, car j’entends beaucoup de fausses informations à la télévision », relève Nicolas Berland, qui souhaite rétablir certaines vérités : « Je ne cultive pas que du maïs ! Je cultive aussi du blé tendre, du blé dur, du tournesol et des pois. Le maïs ne représente que 35 % de mes surfaces irriguées. En plus, cette culture est mal vue alors que c’est la plus économe en phyto ».  Ce qui le blesse le plus, c’est la défiance envers la parole des agriculteurs : « Les gens pensent qu’on ne respecte pas le protocole, alors qu’il stipulait bien que les mesures agroenvironnementales se mettaient en place au fur et à mesure de la construction des réserves, rappelle-t-il. Ça donne l’impression que les agriculteurs ne respectent pas leur engagement. »  Parmi les mesures possibles, l’agriculteur a choisi « l’implantation de bandes enherbées de 5 mètres de large, ce qui fait en tout 50 à 60 ares de non-production, la diversification de l’assolement et la MAE outarde, en place depuis deux ans, ce qui montre bien que nous avons déjà mis en œuvre les actions demandées ».  Les volumes d’eau alloués ont aussi été vus à la baisse : « J’ai 15 000 m3 de moins que prévus, déclare-t-il. Je l’ai accepté lorsqu’on a échangé autour d’une table il y a quatre ans pour valider ce projet. Nous avons fait des concessions. Qu’on ne nous dise pas maintenant que ce n’est pas suffisant ».


Les réactions après un week-end de tensions

La retenue de Sainte-Soline est la deuxième d’un projet de seize réserves de substitution élaborée par un groupement de 450 agriculteurs réunis dans la Coop de l’eau. Ces réserves ont également pour objectif de faire « baisser de 70 % les prélèvements en été », « selon des règles très strictes, sous contrôle des autorités et lorsque les nappes sont au niveau de hautes eaux. Ce système permet d’avoir de l’eau potable, de préserver l’équilibre des milieux et les sols », a indiqué Joël Limouzin, membre du bureau de la FNSEA sur BFMTV. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, interrogé par France Inter le 28 octobre s’est étonné des « tensions nouvelles alors qu’on entre dans la phase de chantier », quatre ans après « un plan signé par tout le monde », agriculteurs, élus, autorités et associations. Au micro de France Info, le 2 novembre, Christiane Lambert a dénoncé une « prise en otage » et une « diabolisation » de l’agriculture, rappelant que le projet s’intègre « dans une gestion collective, en coopérative ».  La Coop de l’eau tient également à réaffirmer sa volonté de faire aboutir son projet : « Nous portons un projet de territoire qui permettra de sécuriser l’eau de 450 agriculteurs et donc de pérenniser leur activité. »  
 
Une FAQ sur les réserves d’eau est disponible sur le site de la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres :  https://deux-sevres.chambre-agriculture.fr/environnement/gestion-de-lea…;
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 85€
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Terre de Touraine
Consultez le journal Terre de Touraine au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter du journal Terre de Touraine
Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout Terre de Touraine.

Vous aimerez aussi

UNE JEUNE ENTREPRISE D’ÉLAGAGE ET TERRASSEMENT À SAINT-EPAIN

Issu du milieu agricole, Bastien Boucher a créé son entreprise d’entretien d’espaces verts à Saint-Epain en 2021.

Sur les rives du lac de Paladru

Grâce aux nombreux vestiges découverts sous les eaux du lac de Paladru, en Isère, le musée éponyme propose aux visiteurs un voyage dans les temps d

« JE TROUVE QU’ON APPREND PLUS VITE ET PLUS FACILEMENT SUR LE TERRAIN »

Apprenti en bac pro agroéquipement à la MFR du Val de Manse, Tom Rousselot n’envisageait pas d’étudier autrement qu’en alternance, avec une partie

UN FORUM DES MÉTIERS À DESTINATION DES COLLÉGIENS

L’agrocampus a organisé son premier forum des métiers, visant à faire découvrir les métiers du vivant dès le collège.

Quelles alternatives aux engrais minéraux ?

 Différents leviers ont été étudiées pour réduire la dépendance des exploitations aux engrais minéraux.

TEMPS DE TRAVAIL DES SALARIÉS, APPEL À UN MICRO-ENTREPRENEUR : DES RÈGLES À CONNAÎTRE

Lors de l’assemblée générale des Entrepreneurs du territoire 37, certaines règles relatives au temps de travail des salariés ont été rappelées.

Publicité