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Cyclamen : du rose en automne

Le début de l’automne marque l’arrivée du cyclamen et de ses touffes roses délicatement posées sur les parterres. En certains lieux, il est partout, sous les grands arbres, sur les gazons encore verts, de préférence en situation ombragée. Et on ne peut que s’extasier devant la débauche de tant de rose, parfois mêlé de blanc car il use aussi de cette couleur.

Serrées les unes contre les autres, les fleurs du cyclamen créent des tapis d’un rose net auprès duquel nul ne reste indifférent.

Le cyclamen est une plante curieuse : émergeant en direct d’un tubercule brun, ses tiges rougeâtres se penchent gracieusement, porteuses de fleurs aux formes particulières qui ne relèvent jamais la tête au soleil tandis que les pétales roses restent retroussés vers le haut. Puis au sol, s’étalent ses feuilles vertes piquetées de marbrures claires qui, l’automne mais l’automne seulement, attirent l’œil, avec ses dessins variés et attachants. Serrées les unes contre les autres, toutes ses fleurs créent des tapis d’un rose net auprès duquel nul ne reste indifférent. Marcel Proust ne l’était certes pas lorsqu’il évoquait Albertine en proie à des émotions diverses « Il arrivait que le teint de ses joues atteignit le rose violacé du cyclamen… ».

UNE FLEUR ROMANTIQUE

Le cyclamen est de la même famille (des Primulacées) que la primevère - celle-ci, on le sait, croit dans le jeune printemps. Avant d’être jardiné, il est d’abord, au naturel, originaire des montagnes plutôt fraîches du Moyen-Orient. En Europe, sa culture démarre au XVIe siècle, dans les jardins anglais de l’époque élisabethaine où il fait fureur. Par la suite, il gagne doucement le vieux continent, mais sans réellement s’imposer. Peu connu, il va stagner quelque temps jusqu’à ce XIXe siècle si romantique où surabondent les sanglots, foisonnent songes et rêveries et se déclament en vers quelques grands élans du cœur. Puis, plus prosaïquement, comme le modeste bouquet de violettes du printemps,  le cyclamen va aussi faire l’objet d’un petit commerce : dans les stations thermales de montagne, au coin des rues, de jeunes et charmantes soubrettes le vendaient à de fortunés touristes en cure qui, après le bain dans les eaux chaudes, allaient se pâmer devant de sublimes paysages. Du décor, il était partie prenante et allait même jusqu’à fleurir le chapeau de ces dames. La mode étant là, on en pinçait désormais pour ses élégantes fleurs, les préférant aux plumes de l’aigrette, ce  gracieux volatile que l’on massacrait sans état d’âme pour un usage unique.  

DU PARC AU SOUS-BOIS

Le cyclamen abonde dans les parcs de château. Sans doute parce qu’il y fut planté pour son élégance et ses couleurs tardives en saison, propices à faire durer ces étés que l’on souhaite toujours les plus longs possible. Puis de là, il s’échappe volontiers dans la nature, gagne les bois proches et les grands massifs ; on le voit aussi pousser spontanément le long d’un chemin creux, pour peu qu’il soit ombragé, mais aussi au jardin paysan, ses fleurs émergeant de la natte de feuilles  rousses tombées de l’arbre voisin. Livré à lui-même, et sans rien demander à personne, il se met alors à composer ces magnifiques tapis dont jamais le regard ne se lasse

« DES PETITS PAINS »

Outre ses fleurs, mais dans un champ plus concret, le cyclamen vaut également pour ses tubercules que la langue vernaculaire nomme « petits pains » parce qu’ils sont à la fois aplatis et arrondis. Très tôt, les Romains les nommèrent « tuber terrae » car ils avaient la forme d’un navet. Il se raconte qu’autrefois, les cochons en faisaient grand usage, les déterrant avec bonheur, d’où ces suggestives nominations telles que « pain-de-pourceau », « rond de cochon » ou « rave de terre ». Aujourd’hui, il serait rare de croiser une troupe de porcins à l’ouvrage, ce dont chacun ne manquerait pas de s’offusquer, atterré de voir que tant de beauté puisse être sacrifiée à leur seule goinfrerie.

MÉDICINAL MAIS TOXIQUE

Dans l’histoire, les tubercules entraient dans la composition d’onguents que l’on appliquait sur la peau que la variole avait trouée : ils pouvaient, pensait-on, aider à « reboucher » ces alvéoles  si disgracieuses; il leur arrivait aussi d’entrer dans la confection de gâteaux à visée aphrodisiaque, destination les mâles à la virilité défaillante. Mais il y avait quand même danger. Car l’on sait aujourd’hui que la plante est purgative, vomitive, d’action violente, ce dont le patient ne se remettait pas toujours. Et pour cause ! Elle contient de dangereuses saponines.

DU SAUVAGE AU CULTIVÉ

Au naturel, il existe une vingtaine d’espèces de cyclamens, toutes habitantes d’une large contrée qui relie l’Espagne au Moyen-Orient, Liban et Iran, en passant par le nord de l’Afrique. En France, le cyclamen d’Europe (Cyclamen europaeum) et le cyclamen de Naples (Cyclamen neapolitanum) tiennent la corde, plutôt à l’est du pays et dans les régions ensoleillées proches de la Méditerranée même si, on l’observe facilement, il ne manque pas dans le centre de la France. Mais ses grandes qualités esthétiques intéressent avant tout l’horticulteur qui, on le sait, aime créer ses propres variétés dont les couleurs varient du blanc au mauve profond en passant par le rose tendre. Raison pour laquelle il est partout cultivé en Europe, amélioré, décliné de mille façons. Raison pour laquelle, également, il orne volontiers l’étal des marchés de ville et des fleuristes ayant pignon sur rue, lesquels le rempotent et le bichonnent avant de le céder au client, comme le messager de sentiments sincères et durables. n *Marcel Proust, A l’ombre des jeunes filles en fleurs.

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