Afdi Touraine
Histoire et géographie : racines des enjeux géopolitiques nord-sud
L’association Afdi Touraine s’est attelée à prendre du recul sur les rouages géopolitiques régissant les relations nord-sud dans le monde. Des relations largement influencées par l’Histoire et la géographie.
L’association Afdi Touraine s’est attelée à prendre du recul sur les rouages géopolitiques régissant les relations nord-sud dans le monde. Des relations largement influencées par l’Histoire et la géographie.
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Afdi Touraine a proposé il y a quelques semaines une formation ayant pour thème « Relations nord/ sud, des rouages géopolitiques complexes ». Alain Simon, maître de conférences spécialiste des questions géopolitiques, est venu apporter son éclairage.
Selon lui, l’histoire, la géographie reviennent comme des boomerangs ; soudainement pour les gens qui ne les connaissent pas, logiquement pour ceux qui ont la connaissance des peuples, du terrain, des ressources naturelles... Tout comme les Balkans et la Turquie, l’Ukraine est une charnière entre l’empire d’Orient et d’Occident. Or les fractures apparaissent toujours aux mêmes endroits : en Libye, avec la fracture entre les régions de la Cyrénaïque et de la Tripolitaine, en Ukraine avec la fracture entre chrétiens romains et orthodoxes russes. Les orthodoxes ukrainiens (Kiev versus Donbass) réfutent l’autorité du patriarcat de Moscou. La Crimée a déjà été le théâtre de treize guerres russo-ottomanes, pour accéder aux mers chaudes via les détroits.
« Le futur est-il un passé en préparation ? », questionne Alain Simon. Depuis trois ans, on a vu le modèle démocratique remis en cause, des guerres en Europe, l’émergence de pénuries et d’épidémies. Mais ça, c’est la réalité ancienne de nombreuses régions du monde, l’Europe rentre juste dans le lot commun, à son grand étonnement. « On ne peut plus se croire à l’abri ici en regardant le spectacle du monde. Les métastases de l’inquiétude nous gagnent aussi », estime Alain Simon.
La revanche de l’Histoire sur la mémoire
Aux yeux d’une majorité, la guerre en Europe place désormais la crise climatique au second plan. Avec cet affrontement Ukraine versus Russie, l’Europe est percutée par un retour de l’Histoire. La guerre en mer Noire - en bloquant les cargos céréaliers - a fait ressurgir le spectre de la faim dans le monde à grande échelle. Dans les moments de crise, chaque pays retourne à son histoire et sa géographie ; sous le vernis réapparaît la marqueterie géopolitique.
La Chine a cru pouvoir s’isoler du reste du monde, cela n’a pas marché. Les mythes de la neutralité (Suède, Suisse) et de l’insularité (Grande-Bretagne) volent également en éclats. En France, les cartes vaccinés/antivaccins, électeurs de Macron/ Mélenchon montrent de façon étonnante la frontière nord/sud entre les langues d’Oc et d’Oïl. C’est la revanche de l’Histoire (temps long) sur la mémoire (temps court) à l’échelle humaine. La taille seule de la Russie, qui s’étend sur onze fuseaux horaires, lui procure un sacré gilet pare-balles et l’Ukraine est sa bande molletière. Peu peuplée, la Russie craint l’invasion démographique des autres pays.
Reconstituer l’empire russe
L’invasion russe est « explicable » mais pas « acceptable ». Les offensives de Poutine (Tchétchénie, Géorgie, Crimée et reste de l’Ukraine) sont une suite logique de la période d’isolationnisme des Etats-Unis. Poutine s’est senti les coudées franches pour reconstituer son empire perdu. L’entente russo-turque est une façade, l’un comme l’autre des pays cultivent la nostalgie de leur empire perdu. Au niveau économique, en période de crise, l’épargne prime sur la consommation pour les nantis. Pour les pays, le souci n’est pas la dette, mais la charge du remboursement. Avec 6 % d’inflation et 3-4 % d’intérêts à payer, il reste très intéressant d’emprunter (les taux restent négatifs). En Europe, « le quoi qu’il en coûte » de la crise Covid a été rendu possible à partir du moment où l’Allemagne a dépassé sa mémoire (luthériens rigoureux/catholiques laxistes).
L’Histoire se répète ainsi entre les puissances de l’Est et de l’Ouest, dont les influences s’affrontent. L’Europe a été coupée en deux avec la rupture politique des empires d’Orient et d’Occident au début du premier millénaire, ainsi que la fracture entre l’orthodoxie et le catholicisme, et ces évènements sont majeurs dans notre Histoire encore aujourd’hui. Le monde évolue, et ce que l’on nomme l’Occident n’est aujourd’hui plus le maître du monde.