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L’après-guerre : un tournant pour le modèle céréalier

La chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire a récemment organisé une projection-débat autour du documentaire « Tu nourriras le monde ». L’occasion d’une rétrospective sur l’évolution du secteur céréalier après-guerre, pour mieux comprendre notre présent.

Floris Schruijer et Nathan Pirard, deux jeunes ingénieurs agronomes, ont réalisé le film documentaire « Tu nourriras le monde ». « Des enfants d’agriculteurs déclarent ne pas avoir envie de reprendre l’exploitation de leurs parents car ils les ont trop vu galérer. On a voulu comprendre comment on en est arrivé là », introduisent-ils. Le film relate leur enquête, riche d’images d’archives dépeignant l’évolution du monde agricole depuis l’après-deuxième guerre mondiale. Pourquoi pouvait-on vivre dignement hier avec 80 hectares de cultures, alors qu’il en faut au moins 140 aujourd’hui ? Le documentaire prend racine en Champagne crayeuse, pour illustrer cette évolution générale. Au sortir de la deuxième guerre mondiale, cette région est constituée de terres pauvres, très calcaires, valorisées à l’époque par de petits élevages de moutons. « Tous les agriculteurs étaient en partie éleveurs, pour disposer de fumier en guise de fertilisant », rappellent les jeunes ingénieurs. Les paysans représentaient la moitié de la population et animaient la vie rurale. Une réalité passée qui résonne avec la désertification actuelle de certaines communes rurales en raison de la diminution du nombre d’agriculteurs. 

MÉCANISATION, ENGRAIS CHIMIQUES ET PAC CHANGENT LA DONNE 

Le tournant de l’histoire se joue après la seconde guerre mondiale. La France est alors dépendante des importations et décide de moderniser l’agriculture. En moins de vingt ans, le secteur devient une puissance industrielle. Et tout commence avec l’arrivée des premiers tracteurs dans les champs… En parallèle, la Politique agricole commune (Pac) voit le jour. Son objectif : assurer l’autonomie alimentaire de l’Europe à travers la modernisation des exploitations. En lieu et place de la loi du marché, un prix de production est désormais garanti aux agriculteurs. « C’est ce qui va permettre aux exploitants de contracter des emprunts, pour acheter notamment des tracteurs », narrent les réalisateurs du documentaire. En même temps que la mécanisation, les engrais chimiques font leur apparition sur le marché. Les terres crayeuses deviennent fertiles, les petits élevages des polyculteurs disparaissent, la taille des fermes double voire triple, on supprime les arbres, haies et talus, obstacles aux machines. Des unités agroindustrielles se font leur place (usines de déshydratation, betteraves sucrières…) et ouvrent la porte à l’export en Europe. Avec l’émergence de la chimie, il a fallu trouver des variétés générant le meilleur rendement, les mieux adaptées pour supporter les produits. Herbicides, fongicides et insecticides deviennent des indispensables et augmentent le rendement année après année. La logique économique remplace la logique agronomique. Dans ce nouveau monde, on assiste à une baisse de la matière organique dans les sols, et à une uniformisation des cultures et des espèces (notamment les ravageurs). Pour payer leurs échéances ban caires, les agriculteurs sont poussés à produire plus. Dans les années 80, de nombreuses exploitations font faillite et sont rachetées par leurs voisins. 

L’EXPORT POUR ÉCOULER LA SURPRODUCTION 

Pour écouler la production de céréales qui ne cesse d’augmenter, la France commence alors à exporter hors de l’Europe, vers l’Afrique. Le Vieux continent accepte en retour d’importer d’autres denrées. Des quotas laitiers sont mis en place en 1984 pour la production laitière. Au début des années 90, en grandes cultures, il est décidé que les agriculteurs français vendront au prix du marché mondial avec, en compensation partielle de l’écart de prix, des indemnités directes de la Pac en fonction de la taille de l’exploitation. Ces aides remplaceront à terme les subventions européennes à l’exportation qui faisaient l’objet d’un profond différend avec les Etats-Unis. Aujourd’hui, la distorsion de concurrence est réelle vis-à-vis de pro duits à prix bas provenant d’exploitations étrangères cultivant des surfaces colossales, avec une grande quantité de produits phytosanitaires et un agroéquipement démesuré. L’évolution du monde agricole, mise en avant dans le documentaire, a le mérite de replacer les évolutions dans leur contexte historique. « On accuse l’agriculteur d’avoir été à la botte des industriels, des laboratoires, alors qu’il s’est tout simplement adapté à une politique ambitieuse », a commenté Henry Frémont, le président de la chambre d’agriculture 37 après la projection du film. « Le monde a changé, il faut donc changer de modèle », estiment quant à eux les jeunes agronomes à la fin de leur documentaire. 

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