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TEMOIGNAGE
Massacre de Maillé : “J’ai dû tenir le bénitier au bout de la fosse”

Bien moins connu que celui d’Oradour-sur-Glane, le « massacre de Maillé » en Indre-et-Loire a fait 124 morts le 25 août 1944. Désiré Bourguignon, alors tout jeune habitant de la commune, revient sur cette effroyable journée qui a marqué toute la population locale. 

Né à Maillé en 1936, Désiré Bourguignon conserve de nombreux souvenirs de la Seconde Guerre mondiale, et plus précisément du 25 août 1944. Dénommée depuis « massacre de Maillé », cette journée fut l’une des plus terribles de ce conflit. 

« Ce jour-là, je gardais les vaches de mes parents au lieu-dit la Fétière », se souvient-il. « Quand j’ai vu que ça se gâtait, je suis allé chez des gens aux alentours pour me mettre à l’abri dans une cave, poursuit-il. Je vous laisse imaginer l’inquiétude de ma mère à ce moment-là… » A l’époque, son père était prisonnier de guerre en Allemagne. 

 

UNE JOURNÉE INTERMINABLE 

C’est vers 8h30 ce jour-là, que les SS sont arrivés et ont pris en tenaille le village afin que personne n’échappe à leur assaut. « Ils ont alors tiré sur tout ce qui bougeait, tout en mettant des grenades incendiaires dans les maisons », détaille le retraité. « C’est le fait d’être excentrés dans un hameau du village qui nous a sauvés ». 

Aux alentours de 12h30, un train allemand, bloqué à cause du sabotage de résistants, est mitraillé par les alliés. « Nous sommes en 1944, les Allemands se retirent, retrace l’ancien éleveur. L’avi at i o n des alliés est importante à ce moment de la guerre. On voyait beaucoup d’avions qui bombardaient Tours et les ponts alentours pour retarder la retraite allemande et tuer leurs soldats. Des douilles tombaient régulièrement dans nos parcelles. »

En début d’après-midi, l’enfant de l’époque aperçoit beaucoup de fumée aux alentours de son village natal. « Mais peu de bruits de tirs à cet instant », complète-t-il. Ce n’est que vers 16 h qu’un canon, positionné au lieu-dit Villière sur les hauteurs de la commune, se met à tirer sans relâche en direction du village, « provoquant d’importants dégâts matériels. »

Ces images de parade des Allemands au volant des tractions dans le village hantent toujours ma mémoire. 
Désiré Bourguignon

UN BILAN ACCABLANT

Le 28 août, trois jours après le massacre, l’effroi et la stupeur étaient toujours là. « Des Allemands sont venus dans notre ferme et ont tué une génisse, confie Désiré Bourguignon. Ils voulaient juste la manger, mais nous étions terrifiés. » Les soldats laissent un ticket à la mère de famille. « L’animal lui sera payé deux ans plus tard, ajoute-t-il. Ce jour-là, c’est la dernière fois que j’ai vu des Allemands. » 

L’enfant d’alors retourne au village. « Les greniers fumaient encore, l’odeur était nauséabonde et des traces de sang recouvraient murs et sols », se remémore-t-il. 

Les moyens de communication de l’époque étaient inaccessibles pour la population locale. « Nous ne communiquions que très peu avec l’extérieur, n’avions ni télé, ni radio. Les gens n’avaient pas les moyens de se payer les journaux », resitue-t-il.

Ne disposant plus de ses hommes, tués ou faits prisonniers, Maillé doit faire appel aux habitants des villages voisins pour creuser une fosse commune afin d’enterrer les défunts. « Ce sont des personnes de Draché et Sepmes qui sont venues creuser à la pioche une fosse d’une quarantaine de mètres sur deux. Ils y ont alors déposé les cercueils, qui eux aussi manquaient. J’avais neuf ans, j’étais enfant de chœur au sein de la paroisse du village. J’ai dû tenir le bénitier au bout de la fosse... », se souvient Désiré Bourguignon. 

Et puis l’heure de l’effroyable bilan est arrivée : 124 morts. « Nous avons perdu beaucoup de familles et d’animaux. Une nièce de 14 ans et ses quelques vaches, une cousine de 80 ans, abattue dans son lit, notamment », égrène-t-il.  Les bâtiments du village sont détruits. « L’école fut rasée. A la suite de la guerre, nous avons passé quelques années à étudier dans des baraquements, où le poêle manquait de bois pour fonctionner. A cette époque, nous avons même appris l’hymne américain. Nous leur chantions lorsqu’ils venaient pour les remercier de nous avoir libérés », glisse le vieil homme. 

80 ans plus tard, les souvenirs douloureux de cette effroyable période viennent toujours hanter sa mémoire. Entre autres, « ces images de parade des Allemands au volant des tractions dans le village », indique celui qui se revendique comme un « anti-guerre. » « J’ai vécu des choses atroces, j’ai fait vingt-huit mois de service militaire. Pour quels résultats ? Rien ! Uniquement de la désolation et du chagrin », lâche-t-il désabusé. 

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