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Petite histoire de la tomate

Les tomates rougissent dans les potagers. Au plus chaud de l’été, si le mildiou ne les a pas noircies, elles font la légitime fierté de leur maître qui les surveille comme le lait sur le feu. A la cuisine, elles finissent en ratatouille ou salade, sont farcies de chair à saucisse ou nappent de rouge l’assiette de nouilles blanches. A ces plats, elles apportent rutilance et petite note aigrelette.

C’est seulement à la fin du XIXe siècle que la tomate prit véritablement son essor.

Aujourd’hui, chacun célèbre la tomate. Pourtant, elle revient de loin : car on s’en méfia longtemps, la soupçonnant de maux divers. C’est qu’elle appartient à la trouble famille des Solanacées qui compte les redoutables mandragore, jusquiame et autre belladone ; mais aussi la morelle aux minuscules fruits rouges pareils aux siens, toxiques malgré leur apparence appétissante. La tomate était donc suspecte, à l’égal de sa cousine la pomme de terre qui, avant de gagner les écuelles paysannes, avait d’abord dû transiter par l’auge du cochon, histoire de vérifier son innocuité.

D’ABORD DÉCORATIVE

Malgré tout, la tomate plaisait. Au XVIe siècle, le jardinier la plaçait en bonne vue sur ses plates-bandes. L’été, fièrement, il montrait les gros fruits rouges très décoratifs à des visiteurs qui, pour la première fois, admiraient ces merveilles de la nature. Car, dans les siècles d’avant, nul ne la connaissait, pour la bonne raison qu’elle débarquait de ces contrées lointaines qui, entre Cordillère des Andes et océan Pacifique, venaient juste d’être découvertes. Dans les soutes de leurs bateaux regagnant la vieille Europe, également chargées d’or et d’argent, les fiers conquistadores espagnols, avaient entreposé quelques pieds de tomate et, avec eux, des poivrons et pommes de terre, de même origine géographique.  

PLUS OU MOINS ADOPTÉE

Au contraire de leurs voisins de France qui jouaient les vierges effarouchées, les gens du sud, Ibérie et Italie, adoptèrent la tomate qui, très vite, devint leur complice en cuisine ; pour de nouvelles saveurs, ils l’introduisaient dans les sauces qui, depuis longtemps déjà, sentaient le thym, l’ail et l’oignon. A ces habitués du soleil et de la chaleur, elle était la « pomme d’amour », Pomo de oro, possible contraction de l’italien Pomo dei Mori qui signifie « Pomme des Maures ». En France, l’adoption fut autrement poussive. D’ailleurs, pour tout dire, les premiers botanistes la nommèrent Mala insana, puis Lycospermum, que l’on peut traduire par « pêche de loup ». A une époque où le canidé traînait dans toutes les campagnes, l’allusion avait du sens. Puis, un à un, tombèrent les préjugés : à la fin du XVIIIe siècle, à l’heure de la Révolution, toute méfiance enfuie, on lui attribua enfin l’épithète esculentum pour « comestible ». Dès lors, elle pouvait gagner le potager puis la cuisine du châtelain et du paysan ; de son côté, faute de jardin, le citadin l’achetait au marché et s’en régalait.

EN CUISINE

Une à une, les ménagères la testaient, la mettaient à toutes les sauces, jouant de ses côtés piquants pour relever les mets les plus fades. En 1803, l’écrivain Grimod de la Reynière en pinçait pour la tomate farcie : « Ce n’est pas seulement aux fonctions d’auxiliaires que les pommes d’amour bornent leur service. On en fait un plat d’entremets délicieux : après en avoir ôté les pépins, on les bourre d’une farce savante, ou même tout uniment d’une simple chair à saucisses, pétrie avec un tiers de mie de pain rassis, et dans laquelle on a mêlé une gousse d’ail ».* Bientôt le plat fut un triomphe, figurant sur toutes les tables, illustres et moins illustres. L’été, au fin fond des campagnes, les jours de fête qui étaient aussi de bombance, les paysannes creusaient la tomate et l’emplissaient de chair à saucisse.

CULTIVÉE EN GRAND

Pour autant, c’est seulement à la fin du XIXe siècle que la tomate prit véritablement son essor, lorsqu’on la cultiva en grand sur la base de quelques variétés aujourd’hui encore usitées, la « Marmande » ou la « Saint-Pierre ». Puis on mit au point de nouveaux cultivars qu’on exploita jusque dans les régions septentrionales pourtant réputées fraîches et humides. Pour cela, on anticipa ces contraintes climatiques. Car il est vrai – et le jardinier trop pressé s’en aperçoit vite – que la tomate ne peut souffrir le gel et supporte mal les nuits froides (à moins de 12 °C).

LA TOMATE, PARTOUT DANS LE MONDE

Aujourd’hui, la tomate pousse partout : dans les contrées chaudes du Maroc et de la péninsule Ibérique, d’où elle est ensuite, en toutes saisons, acheminée par lourds camions jusque sur nos marchés. Nos marchés, où l’été, mais seulement l’été, elle rejoint la production locale fraîchement cueillie, celle-ci juste lestée de quelques kilomètres. Elle se cultive aussi dans les pays plus frais du nord et de l’ouest, Pays-Bas, Belgique et Bretagne : là, des milliers de pieds s’alignent dans d’immenses serres chauffées l’hiver. Mais surtout, elle explose en Asie, dans ces pays qui ne font jamais rien à moitié : Chine, Inde, Turquie et, sur le sujet, grands spécialistes de la sauce en boîte. Bizarrement, exception faite du Mexique qui, tôt dans l’histoire la cultiva pour épaissir ses sauces, les pays d’Amérique du Sud dont elle est pourtant originaire, ne l’exportent guère. Les gourmets le diront d’une seule voix : les tomates d’industrie ne sont que produits fades, du genre farineux et sans réelle saveur. Elles entrent dans des sauces toutes faites, doublement salées et sucrées, pour des concentrés pâteux et des ketchups posés sur toutes les tables de restaurant. Des sauces qui, en tous cas, restent bien éloignées de ces délicieuses préparations du sud ensoleillé, confectionnées sur la base de tomates ayant poussé la fleur au vent, juste agrémentées d’un zeste de thym, de basilic et d’huile d’olive.

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