Phytosanitaires
Plan pollinisateurs, la vengeance de Pompili ?
Dans le cadre d’un plan de protection des pollinisateurs le ministère de la Transition écologique veut rendre très complexes les traitements fongicides et herbicides pendant la floraison des cultures.
L’impact économique serait énorme, notamment en vergers et colzas.

La France est le seul pays européen où, depuis 2003, le traitement insecticide est interdit lors de la floraison pour protéger les pollinisateurs. Les agriculteurs l’acceptent, car cela a du sens. Or, le ministère de la Transition écologique vient de l’annoncer à la profession : il veut, par principe de précaution, étendre la mesure à tous les produits phytosanitaires. Le traitement pendant la floraison serait toléré que pendant 3 ou 5 heures après le coucher du soleil et ce uniquement pour les produits qui auraient obtenu une AMM « abeilles ». Ces AMM franco-françaises seront à la charge des firmes. Mais vontelles investir uniquement pour le marché français ?
La profession, appuyée par le ministère de l’Agriculture, a fait savoir toutes les incohérences, impossibilités pratiques, y compris celles des droits des salariés. Sauf renversement de dernière minute, Barbara Pompili devrait imposer sa position dogmatique dans le cadre d’un plan pollinisateur détaillé le 18 décembre. Personne n’est dupe, c’est une « revanche » après les néonicotinoïdes et le glyphosate.
La rédaction reviendra en détail dans la prochaine édition sur le dossier. Au-delà du colza (sclérotinia), des vergers (tavelure), ce sont quasiment toutes les cultures, vignes comprises, qui seraient concernées si le gouvernement persiste et signe. Depuis vendredi 10 décembre, date à laquelle l’information a été connue, le réseau FNSEA s’est mobilisé. Dans le département, les députés et sénateurs ont été contactés. Les sénateurs sont déjà intervenus et les échanges se poursuivent avec les députés.
NON FONDÉE
Les apiculteurs mettent des milliers de ruches tous les ans dans les vergers à une période où il y a des traitements tavelure, même chose pour le colza. Ils confirment qu’il n’y a pas d’impact sur leurs essaims. Le ministère argumente sa décision par un avis de l’Anses (N° 2018-SA-014). Mais cet avis, comme l’expliquent les cadres de l’Anses lorsqu’ils sont interrogés, ne porte pas sur la balance des avantages et inconvénients d’une décision.
Le nombre de cas est extrêmement réduit. Interrogée, la DRAAF Centre ne recense qu’environ 5 cas d’intoxication par an, tous liés aux insecticides, aucun en fongicide. En Rhône Alpes Auvergne, région pilote, 1 seul cas de suspicion de fongicide colza est référencé (une ruche, pas un rucher) et le vétérinaire précise : « nous n’avons aucune certitude ». De fait, le gouvernement a demandé à l’Anses de lui décrire une situation où il y aurait une absolue certitude d’un non-impact. Comme si le gouvernement, pour être certain de réduire la mortalité sur la route, interdisait la circulation, y compris en vélo !
Depuis la rencontre de la FNSEA 37 avec les députés et sénateurs, 5 députés LREM de terrain ont adressé un courrier au Premier ministre (à lire ci-après). « Il résume totalement la situation et ces députés ne sont sûrement pas les seuls LREM à partager cette indignation », souligne Sébastien Prouteau, président de la FNSEA 37 : « Est-ce digne du n°2 du gouvernement d’imposer, pour des raisons politiciennes, une décision basée sur des “ on ne sait jamais ” et non sur des faits avérés, et ce en moins de 15 jours ». Et de conclure : « C’est effectivement une déclaration de guerre au monde paysan ». A suivre.
Le cri d'alerte du terrain
Extraits du courrier de P Venteau (87), J B Moreau (23), O Damaisin (85), A Perea (11) au Premier ministre, le 14 décembre :
“ Ce plan laissera donc sans solution bon nombre des producteurs de fruits (…) L’incompréhension est encore plus grande pour les pomiculteurs. En effet, les ruches sont présentes depuis de nombreuses années dans les vergers et à ce jour les colonies d’abeilles sédentaires présentes sont productives. Elles se portent à merveille (1) avec des programmes phytosanitaires qui peuvent comprendre selon les cahiers des charges herbicides, fongicides et éclaircissants. Ce sont des années d’efforts et d’adaptations qui sont foulées du pied. Par ailleurs notre production française de fruits sera clairement mise à mal, d’autant plus que les autres pays producteurs y compris européens ne subiront pas ces contraintes. »
Et, le courrier se poursuit en termes politiques : « nous pensions que les épisodes récents des néonicotinoïdes et du glyphosate auraient eu des vertus pédagogiques quant aux interdictions drastiques dénuées d’étude d’impact. Mais force est de constater, avec ce plan “ pollinisateurs ”, que le dogmatisme mâtiné d’amateurisme et de déconnexion des réalités de terrain continue allégrement son oeuvre dans certains de nos ministères ».
Les députés rappellent une évidence : « Faire porter tout le poids de la disparition des colonies d’abeilles sur les produits phytosanitaires n’a aucun sens. Prenons-en pour preuve une récolte de miel 2020 au double de 2019 qui tient d’évidence aux conditions climatiques… »
Les élus LREM élargissent la perspective sociétale : « ce plan “ pollinisateurs ” sonne comme une nouvelle déclaration de guerre au monde paysan. A quelle autre profession oserait-on faire l’obligation à travailler la nuit ? A quelle autre profession intimerait-on l’ordre de générer potentiellement des nuisances à leur voisinage à une période de l’année propice aux activités conviviales en soirée ? »