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Sécheresse précoce : les éleveurs en première ligne

Le gel a masqué la sécheresse sous-jacente qui ampute désormais largement la production d’herbe.

Bien sûr l’arrivée de pluies conséquentes, accompagnées d’un temps chaud et poussant pourrait estomper les effets de la sécheresse printanière. Il n’empêche, tous les éleveurs sont inquiets de la modestie des premières coupes. Si la qualité est là, la moitié du volume habituel est souvent portée manquante.

 

Les premières et parfois secondes coupes d’herbe se sont soldées par 1,5 à 2 t/ha à chaque fois, mais la troisième coupe semble hypothétique. « Il manque 2 t/ ha, regrette Fabrice Garnier de Villeloin-Coulangé, on aurait pu attendre un peu mais on a préféré la qualité ». Avec son père Christian et leur associé Sylvain Baisson, ils viennent d’ensiler en urgence le méteil fauché, car paradoxalement la météo annonçait un peu d’eau dans le Lochois cette fin de semaine. Les 20 ha seront aussitôt préparés pour être semés en maïs dans la foulée. Pour nourrir leurs 80 vaches laitières, les trois associés du Gaec Baisson-Garnier disposent de 370 ha dont 120 d’herbe et 45 de maïs. Comme partout dans la région, sans maïs pas de lait. La moitié de leur surface 2021 est déjà semée, à 4 cm pour trouver la fraîcheur. Mais les corbeaux sont arrivés de suite sans invitation en détruisant en quelques jours trois hectares de jeunes semis qu’il a fallu refaire.

 

Pigeons et corvidés sont l’autre cauchemar des agriculteurs. « On attend l’aide des chasseurs, mais la corbetière et les tirs ça ne suffit pas à réguler les populations, explique le jeune éleveur. L’irrigation ? Ce serait bien, c’est un gros investissement mais on y réfléchit ».

 

« Sans eau, on ne fait pas grand-chose » !

A Perrusson, les frères Joubert attendent aussi un peu de pluie avec impatience. Leurs 70 vaches laitières sont nourries par une ferme comprenant 70 ha de prés, 8 ha de maïs ensilage, du méteil grain et du blé sur 16 ha. L’exploitation dispose d’un forage et d’une vingtaine d’hectares irrigués, du maïs et des prairies pâturées gérées en pâturage tournant. « Les vaches restent trois à quatre jours avant de changer de parcelle. L’irrigation c’est une sécurité quand les sécheresses se profilent, d’autant qu’en bio, il est impossible de trouver du foin à l’extérieur. Sans eau, en agriculture, on ne fait pas grand-chose ».

 

Jean-Marie Bignon de Brèches et les Simon de Cangey confirment. « Rien ne pousse, c’est excessivement sec. Le potentiel des prairies permanentes est quasi inexploitable, on dégrossit, on ouvre aux vaches des parcelles habituellement réservées à la fauche. Notre stock de foin est faible, on peut tenir trois mois ». Pour Benoît et Guillaume Simon, une seconde coupe d’herbe est hypothétique. « Le dilemme c’est de choisir entre couper tôt pour la valeur nutritive ou plus tard pour le volume. Quant aux semis de maïs, il faut désormais déposer la graine à 6 cm pour trouver la première fraîcheur. Des achats locaux de maïs ensilage sont prévus. Il y a peu, on se posait la question du bio. Notre fonctionnement est très proche du cahier des charges AB mais sans les engrais minéraux c’est mission impossible. Du coup on réfléchit à la retenue collinaire, nous avons un site propice ». Leur idée serait aussi d’intégrer dans la ration une plante encaissant les excès du climat comme la silphie. Cette fourragère pérenne, productive est résistante à la sécheresse mais coûteuse à implanter.

 

La betterave, une option adaptée

A Brèches, Jean-Marie Bignon (75 VL) se fait lui aussi du mouron pour les prochains mois. Il a beau avoir un bon mois devant lui pour semer son maïs, l’inquiétude est là. « J’ai essayé le sorgho mais il supporte mal la concurrence des adventices. On a du stock de fourrage devant nous mais juste parce que l’on a vendu des vaches. On a ensilé cette semaine les meilleures parcelles et j’espère une seconde coupe en foin. En 1976, on n’avait pas ensilé, il n’avait pas replu après et nous avions tout perdu ».

 

Réduire l’effectif, Antonin Baudet s’y résoudra probablement si la pluie ne vient pas. Associé avec sa mère sur 185 ha avec 45 vaches laitières, il a fauché de l’herbe tôt en mars. La ferme de Loché-sur-Indrois dispose encore d’un stock rassurant de méteil et de foin enrubanné, pourtant là aussi l’avenir sans pluie est incertain. Mais les exploitants disposent d’un joker à même de sauver la mise : la betterave fourragère, deux hectares sont programmés cette année. « Quand les 220 tonnes de racines sucrées sont ensilées, on peut voir venir, 500 kg de betteraves équivalent à 750 kg de maïs ensilage à raison d’1,2 UF à comparer à 0,9 en maïs ».

 

Habituellement les éleveurs savent qu’ils peuvent sauvegarder leur production -à défaut baisser leurs charges- grâce aux achats extérieurs d’aliments. Pas si simple cette année, les achats du nord de l’Europe - Belgique et Hollande notamment - ont fait monter les cours de la luzerne et du foin. Trouver du soja non OGM devient mission impossible, le tourteau de colza se raréfie tout comme la pulpe de betterave dont le gisement habituellement salvateur a été raboté par l’interdiction… d’un insecticide.

 


Florent va vendre un tiers de ses brebis


Dans les pays secs, le mouton remplace la vache. Mais là encore, ça n’est pas si simple. A Nouans-les-Fontaines, Florent Delculée s’est installé en production d’agneaux sur une ferme
souvent privée de pluie par la grande forêt de Brouard. Pour mettre la génétique de son côté, il a opté pour une race rare en Touraine, la Texel hollandaise dotée du gène culard.

 

Le troupeau pâture actuellement ce qui reste de 17 ha d’herbe. Au loin, une parcelle de 7 ha de trèfle, régulièrement visitée par les cervidés, sera livrée aux moutons dès que le développement de la légumineuse sera assez fort pour supporter le troupeau. Mais après ? Sous le tunnel, une partie du matériel occupe la place du foin manquant. Sur les 150 bottes du départ la moitié est déjà mangée. Normalement à cette époque il devrait être plein.

Alors quand la luzerne se négocie à la tonne 200 € au lieu de 140 € et le foin 120 € lieu de 70 €, malgré un prix soutenu des agneaux, l’éleveur va probablement trancher dans le vif en vendant un tiers de son troupeau.

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